Si vous êtes déjà allés voir des concerts ailleurs que sur des grandes scènes, vous devez savoir que généralement, on s’emmerde un peu entre les groupes, le temps qu’ils changent les instruments. Les intermittents qui font le boulot font ce qu’ils peuvent mais enlever puis remettre un kit de batterie avec 150 cymbales, 12 tomes, une caisse claire etc. sous le regard d’un public encore abêti par la dernière salve musicale, ça ne doit pas être toujours drôle. Plus encore quand un ou deux mecs de devant, abêtis à la musique ET à la bière lancent des « ouéééé, à poil ! » pour vous encourager.
La solution ? Jouer léger. Entendez par là, avec peu de matériel, pas jouer de la musique légère. « Pneu » est de cette catégorie. Débusqués dans un petit festival à jouer entre les groupes justement, histoire que le public ne se disperse pas trop. Fort de sa légèreté : deux personnes, une guitare électrique dont l’ampli, posé sur une petite planche à roulettes, est branché un peu plus loin, un batteur officiant avec le minimum (grosse caisse, charleston, caisse claire, un tome et une cymbale pétée) et un chant en son direct (sans micro quoi), Pneu joue à peu près n’importe où et n’importe quand. Mais pas n’importe quoi.
Première prestation de la journée : juste devant les chiottes des hommes ! Ambiance garantie avec les gens qui écoutent à côté, les gens qui font pipi, ceux qui passent la tête par la porte pour voir ce qui se passe. Acoustique merdique comme vous vous en doutez mais là n’est pas l’important. Une observation s’impose : les abords de toilettes restent, à une époque ou on voit tout plein de violence, de femmes à poil partout et la guerre à la TV, un endroit qui suscite la gêne ou fait rire les gens, juste parce que ce sont les toilettes. Et ça vaut aussi pour des gens qui vont voir un festival de musique avec des rebelles à cheveux longs, guitares, bières et bracelets cloutés. Comme quoi…
Deuxième prestation dans le hall d’entrée de la salle. Troisième en plein milieu du public, à peine la prestation du groupe qui passe sur la scène achevée. Les gens ne comprennent pas trop ce qui se passe. Moment de flottement. Et puis ils viennent au près pour écouter. Pneu arrête juste avant que ceux de la scène ne recommencent, tout le monde est resté dans la salle, mauvais plan pour la buvette.
Une description de leur style musical ? J’ai trouvé çà et là les termes de math rock, hard-core, influences jazz, noise. Le mieux est encore de passer un extrait.
De leur côté, accrocher le public en jouant quatre fois 15 minutes dans la soirée n’est pas une mince affaire. La proximité fait des miracles. Assister à un concert de ce groupe dans cette configuration, c’est vivre le set du musicien avec lui, l’entendre haleter sur les gros breaks de batterie, le voir serrer les dents quand le morceau dure un peu, l’entendre gueuler au public de se rapprocher plus, voir (et sentir) la transpiration au terme de compos jouées à fond la caisse.
Pneu, ça prouve que la musique peut être portative sans être en mp3. C’est le message que je me propose de transmettre aux générations futures, tel un Yann Arthus-Bertrand de la musique bruyante, oh oui.